Dalle gravée de St. Bélec : plus vieille carte d’Europe.

La dalle gravée de Saint-Bélec remonterait à l’âge dit du « Bronze ancien »
(2150-1600 avant l’ère chrétienne).

Retrouvée dans les archives du musée de Saint-Germain-en-Laye, la dalle ornée de Saint-Blevec fut découverte initialement par Paul du Châtellier, fils du co-fondateur de notre association, Armand du Châtellier. Trouvée dans la cavité d’un tumulus, elle en constituait l’un des côtés, symétrique d’un bloc de quartz situé sur l’autre bord. L’espace était recouvert d’une dalle de couverture, le tout inséré dans le tumulus qui avait été scellé. En matière de datation, il est estimé que la gravure pourrait remonter à l’âge du bronze. La dalle fut brisée de façon accidentelle ou volontaire au moment où avant sa réutilisation dans le tumulus.

Paul du Châtellier

Esprit curieux, Paul du Châtellier, son découvreur, se passionna pour l’archéologie bretonne. Au fil du temps, il transforma l’une des ailes du château de Kernuz – la demeure familiale près de Pont-l’Abbé depuis 1842 – en ce que Gabriel de Mortillet, président de la Société d’anthropologie de Paris, qualifia de « Cluny de la Bretagne préhistorique » lors de la visite qu’il effectua en juillet 1884, accompagné de 17 membres de cette société savante.

Paul du Châtellier fut à l’évidence initié par son père, Armand Maufras du Châtellier. Ce dernier s’était établi en 1848 à Versailles, dans le but d’assurer à ses enfants la meilleure éducation. Élève de l’Ecole nationale des Beaux-Arts, Paul suivit les enseignements de François-Edouard Picot, membre de l’Institut, et de Théodore Gudin, premier peintre officiel de la marine. Influencé par ce dernier, il peignit de nombreuses marines, évoquant les paysages de la Pointe du Raz à l’île de Groix. Désireux de représenter la mer en toute occasion, il se fit même construire un atelier sur les rochers de Saint-Guénolé-Penmarc’h. Après avoir découvert lors de ses recherches la dalle de Saint-Bélec, Paul la fit transporter au manoir de Kernuz. Il décéda en 1911 et au début des années 1920 ses enfants vendirent sa collection au musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye. L’inventaire qui fut réalisé cette occasion ne mentionna pas la dalle gravée ce qui explique son exhumation tardive.

L’article de Ronan Pollès

En 1993, Ronan Pollès publia dans la Revue archéologique de l’Ouest l’article intitulé « Le tumulus de Renongar en Plovan (Finistère). Étude d’une fouille ancienne de Paul du Châtelier». Il supposait que la dalle était originaire de l’île de Groix. On y apprend que Paul du Châtellier décrivit pour la première fois le tumulus et sa découverte le 4 avril 1874 dans l’article « Fouille des Tumulus de Plovan  à Plovan » publié en 1876 dans le Bulletin Monumental. Il apprit en mars 1875 qu’un agriculteur désireux de construire un moulin s’approvisionnait en pierres dans les débris d’un tumulus. Après s’y être rendu, il découvrit deux chambres recouvertes par une dalle unique qui avait été brisée par une mine. Elle contenait plusieurs vases de terre cuite, assez grossiers, recouverts d’un enduit noir. La chambre principale recélait des pierres noircies et des débris de charbon, restes de feux anciens, ainsi que des silex taillés. Paul du Châtellier découvrit à cette occasion que l’un des supports de la dalle de couverture était gravé de signes. Il fit l’acquisition de cette dalle auprès du propriétaire, avant de la ramener chez lui.

Article de Ronan Polles, Le tumulus de Renongar, Revue archéologique de l’Ouest, Tome 10, 1993, pp 33-53

Paul du Châtellier écrivit un article sur sa découverte, accompagné d’un dessin représentatif du décor de la dalle alors que cette dernière était encore dans son contexte initial. Avant sa parution, il envoya son texte pour information, accompagné de plusieurs photographies, à différents correspondants dont G. de Closmadeuc, président de la Société Polymathique du Morbihan, spécialiste des sculptures lapidaires identifiées sur les dolmens. Paul mentionna plus tard sa découverte dans son ouvrage Les époques préhistoriques et gauloises dans le Finistère, publié en 1899. Quelques années après sa découverte initiale, il retrouva sur le même site « une vingtaine de vases en argile, une superbe pointe en silex, des pendeloques et cinq haches en pierre polie ».*

En rouge, l’endroit de de la découverte.

Le tumulus de Renongar

Son texte révélait qu’à pareille époque le tumulus de Renongar était un ensemble complexe composé de plusieurs dolmens, de galeries parallèles donnant accès à des chambres à ciel ouvert. Le monument portait à pareille époque le nom de Dolmen du Run à Renongar. Il se trouvait  à 150 mètres du manoir de Renongar, dans un champ situé à l’intersection de la route menant de Plovan à la D 40 et d’une autre route reliant la mer au hameau de Gronval. Une légende locale voulait qu’un souterrain ait relié en des temps anciens le manoir au tumulus. Lorsque Paul du Châtelier le découvrit, le tumulus représentait une masse d’environ 30 mètres de diamètre et de 3 mètres de hauteur.

Article de Ronan Polles, Le tumulus de Renongar, Revue archéologique de l’Ouest, Tome 10, 1993, pp 33-53

Dernières conclusions scientifiques

Les chercheurs de l’Inra, de l’université de Bournemouth, du CNRS et de l’université de Bretagne occidentale (UBO) se sont penchés sur la dalle et s’accordent à reconnaître aujourd’hui en elle la carte en relief la plus ancienne d’Europe. Yves Pailler, chercheur à l’Inrap et à l’université de Bretagne occidentale (UBO) et Clément Nicolas, post-doctorant à Marie Curie et à la Bournemouth University s’y intéressèrent en 2011 et entreprirent en 2014 une études plus approfondie, après avoir pris connaissance de l’article de Paul du Châtellier.

Les deux chercheurs confrontèrent la gravure de la dalle aux observations du paysage environnant. Ils se rendirent compte de la similitude des caractéristiques des deux représentation, notamment des coïncidences pour ce qui concerne le réseau hydrographique. Les test menés avec des géographes comme la géomaticienne Julie Person confirmèrent les analogies avec un taux de convergence de 60 à 80 %. Il pourrait être possible que la carte ait été enfouie avec son dernier possesseur, un important personnage.

En savoir plus :

Musée archéologique de Saint-Germain-en-Laye

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

quatorze − 4 =