L’architecture privée à Nantes au XVIIIème siècle

Les Presses Universitaires de Rennes proposent à tous les amoureux de l’architecture dite classique ce luxueux ouvrage ‒ somptueusement illustré – sur les maisons de prestige de Nantes selon un plan très sage : l’origine de l’urbanisme à Nantes, puis 58 monographies détaillant chaque maison et hôtel particulier.

Ce travail est le fruit de l’heureuse collaboration entre une étudiante espagnole et son professeur d’histoire d’art moderne à l’université de Nantes. C’est un large panorama sur un patrimoine méconnu, souvent moins visible que les (rares) vieilles façades du XVIIe et les demeures patriciennes du XIXe.

En premier lieu, rappelons la triste particularité de Nantes : la Loire qui la traverse a été partiellement enfouie voire comblée, et les bombardements alliés ont ravagé des pans entiers de la cité, sans audacieuse politique de reconstruction comme ce fut le cas pour Saint-Malo après-guerre. Il est donc miraculeux que cette ville majeure de la Bretagne, à très forte densité humaine dès le Moyen Âge, cerclée par les bras du fleuve et encerclée de marais épars, ait pu maintenir un tel patrimoine. Facteurs aggravants pour la préservation du bâti ancien : la rareté des parcelles libres, l’ambition commerciale au détriment du paraître, l’apport constant de populations nouvelles…

Selon les auteurs, les demeures nantaises édifiées au XVIIIe siècle ne présentent pas en soi une forte homogénéité tant dans les matériaux utilisés que dans un plan bien identifié. Plus vastes et somptuaires, on dénombre une douzaine d’hôtels particuliers « à la parisienne » lotis entre cour et jardin.  Si on peut convenir que les commanditaires (armateurs, négociants, édiles) affichent leur réussite par de nouvelles constructions, force est de constater que l’immense majorité des autres demeures restent des lieux « de mixité dans l’espace » : l’intime (la famille) et l’utile (la réception commerciale) se marient sous le même toit.

La demeure nantaise reste sobre, le négociant n’aime pas l’esbrouffe. Les hôtels se raréfient pour des maisons de rapport voire des ensembles ou allées comme le Cours Cambronne. La distribution des pièces obéit à la logique dite de commodité : cour, escaliers, pièces de réception et parties communes répondent à des principes, notamment celui dit « de l’appartement » : une longue enfilade pour recevoir en marchant tout en profitant de la lumière.

À tout seigneur tout honneur, citons l’hôtel d’Aux, selon les plans de Ceneray en 1771, devenu un instant la résidence de passage de Napoléon et de l’impératrice Joséphine, puis une garnison d’officiers, enfin vendu à la découpe en appartements. Plus imposant avec sa loggia, l’hôtel Montaudoin, dit « des Colonnes », est notamment le siège du Cercle Louis XVI. Chaque touriste contemporain connaît l’île Feydeau, dont le Temple du Goût et la Maison Villestreux sont des bijoux du classicisme avec une « progression en majesté » dans les ouvertures, ornements, volumes. Nantes a aussi une myriade de balcons en ferronnerie ouvragée qui, avec les mascarons, semblent  symboliser le fameux quartier de La Fosse, celui des voyageurs et des portefaix.

Comme à Quimper ou à Rennes, les maisons changent de noms au rythme des ventes et des mariages. La famille Grou possèdera la Maison Grou et une seconde demeure nommée l’hôtel des douanes. L’hôtel Châteaubriand devient l’hôtel Becdelièvre. On compte une maison Bouchaud du XVIIe et un hôtel Bouchaud qui, après travaux et extension, deviendra l’hôtel des Zéphyrs pour la famille Trochon. L’hôtel Le Lasseur de Ranzay est aussi dénommé hôtel Lorgeril.

Clichés des façades, distribution intérieure, éléments de décors (cheminée, dessus de porte),  les auteurs déploient ici un  savoir très accessible pour le lecteur profane. Cet ouvrage ‒ certes thématique ‒ pourra intéresser un public plus large que les amoureux du patrimoine nantais.