Guillaume Gambert, un lieutenant de Cadoudal

Deux écrivains morbihannais, dont un fidèle adhérent de l’Association Bretonne, ont uni leur érudition pour nous offrir un nouveau livre intéressant sur la Chouannerie en Bretagne. Ils se sont attachés à retracer la vie d’une paroisse du Pays Vannetais durant la Révolution, de ses nombreux Chouans et de leur jeune capitaine, Guillaume Gambert, issu d’une famille de paysan instruits.

À partir des Archives départementales et du Service Historique de la Défense, ils sont parvenus à nous faire revivre les événements les plus saillants du canton d’Elven, et les affrontements des Chouans de Gambert contre les patriotes et les militaires de Vannes non loin de là. Elven était un point stratégique, très bien exploité par les Chouans, puisque premier bourg important que l’on traverse sur la grande route de Vannes à Rennes, mais aussi début du grand massif boisé des Landes de Lanvaux qui servit de refuge très sûr aux insurgés royalistes. Ceux-ci étaient presque totalement maîtres du Morbihan intérieur et ils se sont progressivement structurés en une douzaine de divisions qui regroupèrent chacune de nombreuses paroisses comme Elven.

Cet ouvrage nous fait suivre le parcours de Guillaume Gambert, fils d’un agriculteur devenu, par sa valeur, officier dans la Chouannerie. Il participe avec sa famille et ses voisins aux premières émeutes populaires contre la Révolution, puis aux premiers combats en 1793 contre la levée des 300 000 hommes, sous les ordres de son jeune frère Joseph que les Chouans d’Elven avaient choisi pour chef. Ce dernier est tué au combat en août 1794 et Guillaume sera désigné pour prendre sa succession. C’était un homme réservé et pieux, soucieux de préserver ses hommes et les populations civiles, mais aussi un Chouan déterminé et combatif. Chef fiable et apprécié, il apporta plusieurs solides compagnies à la division de Vannes, commandée par Pierre Mercier dit « La Vendée », de l’Armée catholique et royale du Morbihan sous les ordres de Georges Cadoudal. Gambert commandera ainsi d’une main ferme les insurgés d’Elven durant les trois premières chouanneries, avec son fameux cri de guerre « Daù ! Daù ! Tan ru arnehé, potred » (« Sus ! Sus ! Feu rouge sur eux, les gars »).

Après le Concordat et la paix qui s’ensuivit, le « Commandant Gambert » ne veut pas se soumettre aux Républicains, aussi fait-il partie d’un groupe d’une soixantaine d’officiers royalistes de Bretagne qui s’exilent et rejoignent Cadoudal en Angleterre. Il y restera tout l’Empire et ne rentrera que pour participer, à la tête de sa compagnie d’Elven, à la « Petite Chouannerie » de 1815, avec son fils aîné Joseph, et se distinguer brillamment à nouveau dans les combats de Sainte-Anne-d’Auray, Redon, Muzillac et Auray avant la seconde Restauration.

Le livre illustre de manière vivante les mentalités de la population rurale du Pays Vannetais qui a décidé, dans son immense majorité, de s’opposer à la Révolution venue des villes. Ils ont choisi des paysans instruits, comme Gambert, ou des hobereaux pour prendre la tête de leur mouvement de résistance contre ce changement de société imposé par les révolutionnaires. À travers ces pages nous voyons comment ces laboureurs, journaliers, meuniers, voituriers, charbonniers, sabotiers, cordonniers, forgerons, menuisiers, tisserands, tailleurs, aubergistes, etc. se sont improvisés combattants en prenant des risques importants pour défendre leurs prêtres et leur foi.

Cet ouvrage montre également des indices concrets d’une administration clandestine, parallèle à celle de la République, mise en place par la Chouannerie dans les bourgs de campagne, et tout particulièrement à Elven avec la bienveillante complicité de la nouvelle administration municipale.

Les auteurs ont enrichi leur ouvrage d’une liste (non exhaustive) de plus de 270 noms de Chouans qui ont servi de manière avérée dans les compagnies de Guillaume Gambert. Nous leur savons gré de garder la mémoire de ces Bretons qui se sont engagés courageusement pour leurs convictions. L’effectif réel des compagnies de Gambert était probablement plus du double, mais la clandestinité n’était pas propice à des recensements exacts. Les auteurs ont également produit une généalogie de la famille Gambert, ce qui permet d’observer l’incidence de l’engagement de Guillaume Gambert, et de son fils Joseph qui chouannera durant les Cent-Jours, sur le parcours de leurs descendants, avec en particulier une longue lignée d’officiers.